Les frustrations autour de l’aide internationale en Haïti

This post is also available in: English 

Photo of Haiti event card for Oriol webinar Featured Image: Nathan Congleton/Flickr/CC BY-NC-SA 2.0

Le 25 octobre 2022, Think Tank Haïti (TTH) - une collaboration entre l'Université Quisqueya et l’Inter-American Dialogue - a organisé un webinaire intitulé “ Les frustrations autour de l’aide internationale en Haïti ”. Au cours de l'événement, l'éminente universitaire et sociologue haïtienne Michèle Oriol a parlé de sa récente étude “ International Aid or Foreign Policy? Leçons apprises depuis 1990 ” et ses conclusions. Le recteur de l'Université Quisqueya Jacky Lumarque a prononcé des mots de bienvenue après lequel Michèle Duvivier Pierre-Louis, ancienne premier ministre d'Haïti et actuelle présidente de la Fondasyon Konesans Ak Libète (FOKAL), a animé l'événement. 

Michèle Oriol a commencé le webinaire en abordant les bases de son étude. Alors que les donateurs internationaux éprouvent la “ fatigue d'Haïti ”, les Haïtiens aussi sont fatigués du manque de résultats au cours de décennies d'afflux d'aide. Pour analyser cette fatigue mutuelle, Oriol a réalisé une revue d’histoire de l'aide internationale vers Haïti depuis les années 1970-1980 et a retracé la manière à travers laquelle Haïti est passé d'une “ économie en développement ” à un “ État fragile ”. Oriol a évoqué la présence importante de nouveaux acteurs - tels que diverses opérations internationales de paix et des groupes humanitaires - et de nouveaux secteurs d'activité d'aide - notamment l'éducation, le développement, les élections, le désarmement et les catastrophes. 

Au-delà de souligner le manque de continuité entre les projets d'aide, le manque de financement suffisant au-delà de définir la relation compétitive qui existe entre l'État haïtien et les donateurs internationaux, Oriol a présenté trois conclusions majeures : 

  1. Il faut coordonner et de consolider la manière dont Haïti reçoit l'aide internationale et créer un seul mécanisme réceptif. 
  2. Afin de maximiser les résultats, les secteurs cibles de l'aide doivent être limités. 
  3. Il faut former des homologues des politiques publiques au sein de l'État haïtien qui pourraient servir d'interlocuteurs compétents et bien-informés pour les donateurs internationaux. 

Kesner Pharel, directeur général du Groupe Croissance, a donné un aperçu de la façon dont l'aide internationale affecte le budget du gouvernement haïtien. Depuis le tremblement de terre de 2010 et l'afflux subséquent d'aide étrangère, l'aide a chuté de manière constante - atteignant un nadir au cours de l'exercice 2017-2018. Cette aide a pris la forme de subventions et de projets avec une aide budgétaire minimale. Cependant, depuis le Covid-19, l'aide internationale a rebondi notamment sous forme de soutien fiscal. Pharel a également imploré la population haïtienne et la société civile de s'interroger sur l’allocation budgétaire et a souligné deux éléments importants à se souvenir : l'injustice sociale et les impôts indirectes et directes. 

De son côté, le représentant de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) en Ouganda, Joël Boutroue, a attiré l'attention sur ce qu'il appelle la “ bureaucratisation de l'aide ”. Cette tendance à bureaucratiser les efforts d'aide a conduit à un manque de prise de risque et à une vision globale de l’aide plus restreinte, sape l'agence de l'État haïtien, et évite d’aborder des problèmes complexes mais importants comme la gouvernance et la corruption. En outre, Boutroue a déploré l'accent mis sur la gestion de projet de l'aide en Haïti et la brièveté des délais politiques parmi les grands organismes donateurs ont conduit à une mentalité à court terme. Néanmoins, Boutroue a également reconnu que la responsabilité des fautes des programmes d'aide internationale reste avec l'État haïtien lui-même et à la mauvaise gestion de ceux qui, au sein de l'État haïtien, mettent en œuvre des projets de développement. 

Dans le segment de Q&A de l'événement, les panélistes ont discuté de plusieurs questions par rapport à l'aide internationale. Les panélistes ont échangé leurs pensées sur l'urbanisation et sur la croissance de la population haïtienne au cours des dernières décennies et de la façon dont le manque de gestion efficace d'un tel changement sociétal a réduit les opportunités pour la jeunesse haïtienne. Les panélistes ont également discuté de la manière dont les envois de remises peuvent agir comme une arme à double tranchant. D'une part, les envois de remises provoquent une pression inflationniste et sont généralement dépensés comme consommation, d'autre part, les envois de remise ont un certain potentiel comme source de crédit pour les petits-entreprises haïtiennes ainsi que pour atténuer les conditions des Haïtiens actuellement en conditions de pauvreté. 

En présentant ses observations finales, Michèle Oriol s’est dit d’accord avec les panélistes qu'il faut que les donateurs soient plus déterminés et ambitieux. Cependant, a-t-elle ajouté, il est également important de comprendre les facteurs géopolitiques qui affectent l’allocation de l'aide, tels que la migration.

Pour clore la conversation, Jacky Lumarque a souligné la grande influence des bailleurs de fonds internationaux sur l'action publique en Haïti. De plus, Lumarque a noté que l'État haïtien est remplacé en raison de la faible capacité de l'administration publique au sein de son gouvernement et du manque de lien entre la planification et la mise en œuvre du programme. Enfin, Lumarque a conclu que l’on doit faire davantage pour faire d'Haïti une destination favorable aux investissements étrangers.

Regarder l'enregistrement de l'événement ici:


Suggested Content

Photo of event participants with man from Haiti sitting on bags of US rice

Aide internationale en Haïti – résultats décevants

Le 13 juillet, 2022, Think Tank Haiti, une initiative collaborative entre l’Inter-American Dialogue et l’Université Quisqueya en Haïti, a organisé un webinaire autour de l’aide internationale en Haïti et ses résultats. Le panel était composé de divers experts, qui ont analysé les possibles raisons pour lesquelles l’aide international a échoué en Haïti ainsi que ce qu’Haïti et les pays donateurs pourraient faire pour atténuer les mauvaises performances dans le futur.

˙

Photo of Haitian man carrying his daughter

Les Haïtiens disposent d’une solution à la crise en Haïti

Depuis mars 2021, la société civile haïtienne travaille dur pour développer des solutions locales innovantes aux problèmes du pays, y compris un projet de transition dirigée par les Haïtiens qui pourrait bien tracer une nouvelle voie pour le pays. Pour que ce plan fonctionne, les changements devront être profonds et transformateurs, et le processus de mise en œuvre aussi inclusif et habilitant que possible.

˙

Photo of Antony Blinken and Melanie Joly

Politique envers Haïti : trébuchant vers 2023

Un diagnostic de la crise a été facile, mais les mesures que les acteurs clés en Haïti et ses partenaires internationaux peuvent s’accorder à faire sont restées embrouillées.

˙